Recrutement : gare aux limites des tests psychométriques

Lors du recrutement, les employeurs sont nombreux à recourir à des tests psychométriques pour évaluer les candidats. Si ces outils offrent l’avantage de comparer les candidats de façon objective, ils comportent néanmoins des limites. Explications et alternatives avec deux experts en Ressources humaines.

Central Test, Korn Ferry, MBTI, PAPI, Sosie, WAVE… L’éventail des tests à votre disposition est large et se distingue en deux typologies : d’une part, les tests de personnalité, d’aptitudes cognitives et de logique, et d’autre part les tests sur les compétences techniques ou pratiques sur un poste. Exemples : un test sondant les préférences professionnelles, un autre évaluant les connaissances d’un développeur web. Dans les deux cas, recueillir des données psychométriques sur un candidat peut être utile pour recruter.

L’avantage des tests psychométriques réside notamment dans leur standardisation. Ils permettent d’analyser et de comparer les candidats par une approche statistique objective. À charge de l’employeur ensuite de vérifier si le profil correspond aux attendus du poste proposé. Ainsi, les tests psychométriques éclairent la décision mais ne l’imposent pas. Car un test standardisé comporte des écueils : manque de contexte lié à l’exercice du poste, réponse socialement souhaitable du candidat, biais culturels ou linguistiques, etc.

Biais personnels, culturels ou linguistiques

Nathalie Mazy, directrice France du cabinet de recrutement Mercuri Urval, a créé son propre système d’évaluation psychométrique : « Nous recrutons majoritairement des cadres exécutifs, et nous utilisons pour cela un test comprenant 26 critères de personnalité que nos experts maitrisent parfaitement. Cela compte énormément d’avoir un personnel formé pour les analyser, car il est conscient des différents biais qui en découlent ». Ainsi, pour les tests présents sur le marché, il est préférable d’avoir une personne qui a le temps nécessaire de les traiter correctement, et de les envisager en complément des autres démarches du processus de recrutement (entretien, mise en situation…).

Quelques exemples de tests psychométriques : WAVE, PAPI, Central Test, MBTI, Sosie, Korn Ferry, Évaluation du Leadership

Prendre en compte les différents types de biais est d’autant plus important que le candidat peut répondre de façon attendue plutôt que sincère. En clair, il peut dire ce que le recruteur a envie d’entendre sur tels ou tels traits de sa personnalité. Ainsi, une personne peut avoir les compétences et les savoir-faire requis pour le poste, mais peu de motivation. Or, il aura tendance à éviter la transparence pour l’obtenir, et les tests de personnalité ne le détectent pas forcément.

Idem pour les biais culturels. Yvan Coquentin, chasseur de tête à Paris et associé chez Abaq, a ainsi constaté un phénomène étonnant dans la pratique de son métier : « Des candidats asiatiques testés pour mes clients obtenaient des notes moins élevées que les Européens sur les tests de personnalité. Tous les résultats étaient moyens, des réponses sans aspérités  ». Ils étaient pourtant tout aussi adaptés aux postes en termes de compétences et de savoir-être. « Ce constat fonctionne également avec la personnalité d’un candidat, son niveau de confiance en lui, par exemple. Tout cela modifie la façon dont il se perçoit dans les tests, ainsi que la lecture de ses performances professionnelles », renchérit Nathalie Mazy. Enfin, un biais existe en matière linguistique, où une moindre maitrise de la langue peut fausser les résultats au niveau des compétences métier.

Certains tests, comme le Myers Briggs Type Indicator (MBTI), sont également en décalage culturel par rapport à l’époque actuelle. « Le MBTI n’a pas été actualisé depuis les années 1970, précise Yvan Coquentin, ce qui est préjudiciable quand on veut évaluer des milléniales avec le même référentiel que leurs grand-mères, qui avaient des attentes professionnelles et sociales différentes ». On ne peut cependant généraliser ce constat à l’ensemble des tests, car certains, comme le Personality and Preference Inventory (PAPI) ou le questionnaire WAVE de Saville Consultants, sont mis à jour régulièrement en tenant compte de ces évolutions. 

Voir la vidéo sur la MRS (Méthodede recrutement par simulation)

Questionnaire customisé

Après les limites, quid des solutions ? Pour Nathalie Mazy, si le recruteur n’a pas le budget pour utiliser ces tests pertinemment (avec l’analyse distanciée), il peut être plus efficace pour lui de missionner une personne en interne pour créer un questionnaire « maison ». Première étape : récolter en amont ce qu’on attend objectivement du futur employé, afin de bien délimiter les attendus du poste. Pour y parvenir, explique Nathalie Mazy, la personne en charge du test « peut parler des compétences attendues avec les managers, interroger les différents services sur leurs attentes par rapport au rôle, aux objectifs à atteindre à un, deux ou trois ans… Et, pourquoi, pas questionner quelques clients. Cela donnera une vision plus approfondie du rôle à jouer par le salarié ».

Ce questionnaire in situ comprend par exemple l’évaluation des compétences du candidat, ce qui est attendu de lui sur un an, sa motivation pour atteindre les objectifs, etc. « Cette connaissance fine du contexte est essentielle, un test psychométrique de personnalité général ne livrera pas les réponses à toutes vos questions ». Exemple : sur le papier, les compétences attendues d’un Directeur marketing, l’un dans une PME de fabrication de pièces détachées d’automobile, l’autre dans une multinationale de biens de consommation alimentaire grand public, seront similaires. En revanche, les contextes d’exercice changent la teneur des missions, et donc les profils recherchés.

Les tests psychométriques sont donc complémentaires des outils de recrutement classiques que sont l’entretien de motivation, l’examen minutieux du profil, les outils du recrutement par les compétences… Ils peuvent être coûteux à mettre en œuvre, par l’achat du test en lui-même et par son analyse par des salariés internes ou externes à l’entreprise. Pour les utiliser convenablement, il faut percevoir leur valeur ajoutée pour vos recrutements – tests de personnalité et/ou compétences - et corriger les différents biais de nature à fausser votre perception des candidats.

LEXIQUE

  • Psychométrie : science de la mesure des caractéristiques psychologiques des individus.
  • Données psychométriques : données recueillies par l’évaluation quantifiée, objective et étalonnée, à l’aide de tests psychométriques, de caractéristiques psychologiques, comportementales et cognitives d’un individu.
  • Tests psychométriques : instruments d’évaluation des capacités cognitives et comportementales, standardisés et validés selon des normes scientifiques internationales définies par la Commission internationale des tests.