Sécurité psychologique au travail, un précieux capital pour l’entreprise

Huit personnes sur dix* se disent moins fatiguées lorsqu’elles se sentent reconnues dans leur travail. C’est dire l’enjeu d’assurer la sécurité psychologique des collaborateurs pour leur bien-être et a fortiori pour la performance de l’entreprise. Nathalie Brulé, psychologue du travail, experte Risques psychosociaux et Qualité de vie au travail (QVT) nous l’explique.

Comment définissez-vous la sécurité psychologique au travail ?

Sécurité psychologique au travail, un précieux capital pour l’entreprise

Se sentir en sécurité au travail, c’est avant tout se sentir à l’aise socialement et libre de s’exprimer dans un environnement clarifié dans lequel on se sent écouté et considéré.
On peut dire que la reconnaissance des collaborateurs est un contrat de sécurité au travail.

Pourquoi est-ce important de préserver cette sécurité ?

Lorsqu’une personne évolue dans un cadre qui n’est pas sécurisé, elle ressent de l’inquiétude, de la peur, parfois de la panique. Elle va alors utiliser son énergie pour se protéger ou se défendre et rencontrer des difficultés à se concentrer sur ses tâches. Elle va, par conséquent, perdre en efficacité et en performance. Sa santé peut même en être impactée si la situation perdure. Un cercle vicieux peut s’installer. D’où l’importance à la fois sur le plan humain mais aussi organisationnel, de mettre en place les conditions de sécurité psychologique des collaborateurs.

Comment installer et garantir ces conditions de sécurité ?

Psychologiquement, il s’agit de quitter la culture du surcontrôle et du jugement pour créer un climat de confiance, de bienveillance et d’authenticité. La bienveillance, c’est une posture d’écoute de l’autre sans jugement qui permet de quitter les représentations ou les suppositions sur une personne pour pouvoir construire avec elle un dialogue d’adulte à adulte. Dans ce cas, chacun se positionne, non pas sur ses émotions ou ressentis, mais sur les faits, c’est plus constructif !

La transparence et l’authenticité de l’organisation vis-à-vis de ses collaborateurs sont aussi fondamentales : donner du sens, communiquer même sur les mauvaises nouvelles, répondre aux questions et aux inquiétudes contribuent à favoriser un rapport de confiance. Communiquer avec assertivité est une façon de construire des échanges plus sereins… Cela fait partie des bonnes pratiques qui contribuent à un climat de confiance.

Quel est le rôle des managers dans la prévention des risques ?

Le feedback régulier des managers est fondamental. Le feedback créent un cadre sécurisé de dialogue avec les collaborateurs pour renforcer et ancrer ce qui est attendu et à améliorer ainsi que pour développer les compétences des personnes. Le feedback est aussi un puissant outil de reconnaissance qui crée un sentiment de sécurité immédiat. J’insiste sur la reconnaissance du travail effectué : quand le salarié sait que son travail est formellement reconnu, il se sent valorisé, cela le motive et lui donne le sentiment d’être utile, réduisant la sensation de fatigue.

L’idéal est que les managers soient formés aux bonnes pratiques comme le feedback mais aussi à la prévention des risques psycho-sociaux pour qu’ils puissent repérer les signes du mal-être : changements de comportements physiques (fatigue), comportementaux (retards), émotionnels (agressivité ou tristesse) et intellectuels (perte de concentration, oublis), … Pas si simple dans le contexte du télétravail, il sera alors intéressant de questionner directement le salarié sur son état !

Au-delà du climat de confiance à installer, quels sont les autres points de vigilance ?

Les risques pour la santé psychologique peuvent provenir d’une charge de travail trop lourde ou du sentiment qu’on ne dispose pas des moyens pour réaliser ses tâches. A ce titre, il faut veiller à bien répartir la charge de travail, à développer les compétences du collaborateur si on constate qu’il en a besoin et à fournir les ressources complémentaires si nécessaire. Là encore, c’est en ayant favorisé le dialogue dans un climat de confiance au préalable, que l’on pourra mieux identifier et, analyser ses besoins et agir avec et pour le collaborateur.

Un autre point de vigilance consiste à bien accueillir les nouvelles recrues : lorsque l’étape de l’onboarding est bien gérée, on crée des conditions de bien-être et de sécurité qui inciteront le nouveau collaborateur à vouloir donner le meilleur de lui-même !

Plus largement, comment les entreprises peuvent-elles prévenir des risques psycho-sociaux ?

« Le relationnel n’est pas si naturel au travail, il faut créer les conditions pour que les salariés se sentent inclus, entendus et appréciés par les autres. C’est une démarche volontaire ! » - Nathalie Brulé, dirigeante du cabinet Acta Nova et psychologue du travail, experte Risques psychosociaux et Qualité de vie au travail (QVT)

S’appuyer sur le collectif est très bénéfique. En créant des espaces de discussions et de partage dans un cadre bienveillant, on ouvre la voie aux échanges de bonnes pratiques, on permet les remontées de problèmes, on utilise l’intelligence collective au plus près du terrain pour trouver des solutions ensemble. C’est un excellent moyen de susciter l’engagement, l’entraide, la coopération tout simplement et cela peut être mis en œuvre dans les petites et moyennes entreprises comme dans les plus grandes.

La convivialité, la politesse, l’empathie sont des valeurs fortes qui aident à réguler les relations sociales et à instaurer un climat serein. Là aussi, de nombreuses actions sont à mettre en place : par exemple, décider de ne rien laisser passer en termes de stigmatisation (remarques ironiques, sexistes, jugements négatifs…), se comporter d’une façon exemplaire pour inspirer les collaborateurs, célébrer des victoires, fêter les anniversaires des collaborateurs, « casser » les frontières entre les services, favoriser la proximité. C’est un vrai travail !

Quelques chiffres sur la santé psychologique au travail

  • 74 % des salariés déclarent que leur état psychologique est lié partiellement ou totalement au travail
  • 7 personnes sur 10 cherchent du sens dans leur travail
  • 50 % des salariés déclarent qu’avoir été affectés ou être affectés psychologiquement a fait changer leur regard sur le travail
  • 28 % de risque de burn out en 2022, dont 10 % sévères

* Sondage OpinionWay, mars 2023