« Outre l’aspect financier, nous avons été bien accompagnés par France Travail qui a été force de proposition sur cette façon de recruter, inédite pour nous. »
Alix Pollet, Brands B.U. Director chez Safilin.
Un retour aux sources pour ce savoir-faire
Plusieurs usines étaient implantées dans l’Hexagone, et cela pendant plus de 200 ans. L’entreprise française Safilin, elle-même, œuvre dans le domaine de la filature de lin depuis 250 ans.
Mais, pour des raisons de survie de l'entreprise, les usines ont été délocalisées en Pologne dans les années 90. « Nous étions les derniers filateurs de lin à quitter la France », explique Alix Pollet, Brands B.U. Director chez Safilin.
« Aujourd’hui, toutes les conditions sont à nouveau réunies pour envisager de réimplanter cette filature », ajoute-t-elle.
La prise de conscience des consommateurs et leur désir de consommer de manière plus écoresponsable, locale et durable en sont en partie responsables. « La Covid a accéléré les choses, mais il y avait des signaux auparavant. Nous avions déjà ce projet, porté par le président Olivier Guillaume, de réimplanter une usine en France, dans la région historique », explique Alix Pollet.
Le plan de relance du Gouvernement et les aides de la Région et de la Communauté d’agglomération de Béthune Bruay Artois Lys Romane facilitent la mise en œuvre du projet.« La condition principale était de ne pas avoir perdu le savoir-faire. Grâce à nos deux usines et nos 500 ouvriers en Pologne, auxquels nous avons transmis les compétences et les technologies il y a plus de vingt ans, ce transfert de compétence peut désormais s’opérer dans l’autre sens. »
Un processus de recrutement inédit
Pour faire tourner la nouvelle usine de filature de lin, deux sessions de recrutement vont avoir lieu. La première permettra d’embaucher 25 personnes pour l’ouverture de l’usine prévue début 2022. La seconde verra arriver 25 nouveaux ouvriers d’ici 2025.« Le savoir-faire n’existe plus en France. France Travail a donc proposé de recruter via une méthode intitulée méthode de recrutement par simulation (MRS). C’était inédit pour nous », relate Alix Pollet.
« La MRS permet aux entreprises qui rencontrent des difficultés de recrutement de recruter différemment. On ne tient pas compte du CV, du parcours, de la formation ou de l’expérience du candidat. Ce qui importe, ce sont ses capacités à occuper le poste de travail que nous testons par une mise en situation », explique Caroline Lefebvre, correspondante régionale MRS France Travail Hauts-de-France.
Pour mener à bien la MRS, un certain nombre de phases sont incontournables, mais Safilin est un dossier hors norme depuis le début, du fait de l’absence d’usine en France.« L’analyse de poste doit se faire en entreprise. Pour Safilin, elle s’est faite via des vidéos et des visioconférences avec un interlocuteur polonais. Nous avons également demandé à une personne responsable d’équipe dans l’usine française il y a vingt ans de témoigner », détaillent Karine Denoyelle et Thibaut Duriez, équipe Méthode de recrutement par simulation de France Travail Béthune.
Cela a permis de lister les habiletés nécessaires aux futurs ouvriers (dextérité, logique…) et de rédiger l’analyse de poste. Des ateliers pour tester ces habiletés ont ensuite été mis en place en Pologne afin d’établir un étalonnage qui servira à recruter les prochains opérateurs français.
Un accompagnement à long terme
Les résultats de l’étalonnage seront présentés à l’entreprise en décembre, les tests se feront en janvier.
« Le recrutement débutera par une réunion d’information auprès des candidats pour leur expliquer le métier, les contraintes, la tenue de poste, etc. Les personnes toujours motivées pourront ensuite passer les tests en conditions réelles. S’ensuivra un entretien individuel avec le directeur du site », détaille Alix Pollet.
À la publication de l’annonce, quatre jours ont suffi à recevoir pas moins de 150 candidatures. Elle ajoute : « Pôle emploi nous accompagne pendant le recrutement, mais aussi durant la formation du personnel sur le terrain. Il y a une véritable continuité de prise en charge, le temps que l’opérateur donne satisfaction et qu’il soit satisfait en retour. Si ce n’est pas le cas, nous pourrons relancer une campagne de recrutement avec France Travail, car la dynamique est lancée. »
« La filature du lin est un métier atypique, un métier de l’artisanat. On en tombe amoureux parce que c’est une matière vivante formidable. »