« Le métier de maître composteur est un métier qui a du sens et beaucoup d’externalités positives »

Rencontre avec Léa Egret, 32 ans, maître compostrice chez Compostons, à Montpellier, qui accompagne les collectivités, les entreprises et les collectifs de citoyens dans la mise en œuvre de solutions pour valoriser localement les restes alimentaires et végétaux. Zoom sur un métier amené à se développer considérablement alors que la valorisation des biodéchets est obligatoire depuis le 31 décembre 2023.

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Comment avez-vous eu envie de devenir maître compostrice ?

Léa Egret : J’ai découvert le métier il y a dix ans grâce à un service civique. À l’époque, j’avais 22 ans. Je fais partie de la nouvelle génération arrivée directement dans ces métiers. Géographe de formation (en Master 2), je m’intéressais beaucoup aux enjeux qui mixaient agriculture et société. Le triptyque manger-jardiner-composter est le biais qui permet de s’y intéresser. C’est une super porte d’entrée pour parler de développement durable, car c’est rare d’avoir une action aussi concrète. Les biodéchets, c’est 30 % de nos poubelles. Et c’est magique, car quand on composte on réduit nos poubelles et on produit en quelques mois un magnifique engrais qui permet de faire germer un pied de tomates ou une courge.

Quelles formations avez-vous suivies ?

L. E. : J’ai effectué mon service civique dans le centre de formation Au ras du sol, en Dordogne où j’ai découvert le compostage et l’animation. C’est par là que je suis entrée dans les déchets, un secteur qui est plutôt industriel. Au fil de l’eau, j’ai acquis une vraie compétence sur la façon dont fonctionnent les collectivités, les acteurs des déchets, etc.

Qu’aimez-vous dans ce métier ?

L. E. : Je me réveille tous les jours en étant contente d’aller au travail. Le métier de maître composteur est un métier qui a du sens et beaucoup d’externalités positives. On recueille très rapidement les bénéfices des actions que l’on met en œuvre. J’ai créé Compostons, une entreprise coopérative basée à Montpellier qui compte huit salariés et intervient auprès de nombreux clients différents et s’adresse à une grande diversité d’interlocuteurs : la Métropole de Montpellier, l’entreprise Suez, des écoles, des comités de quartier, des cuisiniers, des jardiniers, des enfants…

« C’est très satisfaisant de mettre en œuvre et de participer à des projets qui émergent assez rapidement et de façon concrète. »

Quels sont les avantages de ce métier ?

L. E. : Le métier de maître composteur est un métier feel good (se sentir bien) : c’est très satisfaisant de mettre en œuvre et de participer à des projets qui émergent assez rapidement et de façon concrète. Nous sommes vraiment du bon côté, car nous accompagnons des gens qui sont volontaires et ont envie d’agir sur les biodéchets. Il y a tant à faire ! C’est un métier de coopération, dans lequel on se serre les coudes. Je suis heureuse de faire partie du réseau Compost Citoyen, qui existe dans toutes les régions et porte de nombreuses actions.

Quels en sont les inconvénients ?

L. E. : Il ne faut pas craindre d’apprendre des nouvelles choses tout le temps, ni le côté généraliste de ce métier. On idéalise le métier de maître composteur en pensant que c’est beaucoup de terrain, mais c’est surtout beaucoup de gestion de projet derrière son ordinateur, à envoyer des mails. Le principal inconvénient, c’est qu’il n’est pas encore évident de faire notre place dans le monde des déchets, assez industriel, où les solutions humaines ne sont pas assez valorisées alors que ce que nous faisons est très sérieux !

Quelle est la différence entre le métier de maître composteur et celui de guide composteur ?

L. E. : Les guides composteur sont des techniciens/ambassadeurs qui sont sur le terrain et les maîtres composteur sont plutôt des gestionnaires de projet. Il faut être guide pour pouvoir entrer en formation de maître composteur.

« Pour devenir maître composteur, il faut avoir une appétence pour le vivant et l’humain : le compostage, c’est 80 % d’humain, d’accompagnement aux changements de pratique. »

À quels types de profils pourriez-vous conseiller ces métiers ?

L. E. : Pour le métier de maître composteur, le plus facile est d’avoir un niveau Licence 3 pour être capable de faire de la gestion de projets. Mais avant tout, je conseille ce métier à des personnes convaincues par l’écologie. Il faut avoir une appétence pour le vivant et l’humain : le compostage, c’est 80 % d’humain, d’accompagnement aux changements de pratique. Pour devenir maître composteur, il faut aussi être à l’aise avec l’idée de la matière organique qui se transforme et avoir envie de comprendre comment ça marche. Dans le cadre de la formation, puis en exerçant son métier, on acquiert assez rapidement les grands principes de l’agronomie et de la matière organique.

Le métier de guide composteur est lui accessible sans prérequis, à des personnes qui ont un profil de technicien avec une fibre humaine. C’est une formation certifiante, qui nécessite une maîtrise du français à l’écrit et à l’oral. Nous formons beaucoup de personnes en insertion qui trouvent ensuite du travail. Nous travaillons aussi avec des personnes éloignées de l’emploi, ce qui leur permet de trouver un métier qui a du sens, valorisant et utile. Ce sont des personnes qui ont toutes les qualités pour bien effectuer ce travail.

Quel est le potentiel de développement de ces métiers ?

L. E. : Chez Compostons, nous allons doubler nos effectifs en 2024. Nous recevons beaucoup de demandes de missions, émanant autant de collectivités que de particuliers, avec des typologies assez larges et hétérogènes. C’est stimulant intellectuellement et professionnellement. Nous travaillons régulièrement avec des guides composteurs que nous avons formés, ce qui permet de les intégrer rapidement. Nous les ferons monter en compétences pour devenir maîtres composteur plus tard. Le mode de gestion de Compostons est assez horizontal, ce qui permet à chacun de prendre le temps d’intégrer les nouveaux venus en fonction des profils et des besoins.